Aide externe à Haïti : plaidoyer pour un nouveau séisme
Dans la société contemporaine, l’ordinaire n’a pas sa place. Les faux-semblants, le paraître, l’hypocrisie dament au quotidien la place à la raison, à l’empathie désintéressée et à l’humanité tout court. Je me suis abstenu de commenter le déferlement de soutien qui a suivi l’acte ignoble et barbare des « seigneurs » de « Boko Haram« . Des seigneurs somme toute pas si différents de ceux qui sévissent à la tête de nombreux Etats en Afrique et dans le monde. Sauf que, empêtrés que nous sommes dans nos simulations et simagrées, nous avons la vision sélective.
Cela dit, la bienveillance, engendrée par le séisme du 12 janvier 2010 passée, 4 ans après, comme un gigantesque bâtiment construit sur du sable, se désagrège. Le soutien financier se raréfie. Ce qui pour moi n’est pas un scoop. Par contre, la pagaille que la nouvelle semble avoir semée dans les fiches du ministère de l’Économie et des Finances a de quoi susciter l’hilarité.
Haïti est une « République réceptacle béant » où les grandes puissances déversent chaque année une aide dont les chiffres monstres font l’effet d’un éléphant assis sur une fourmi à côté des réalisations qui en découlent. L’histoire a déjà prouvé que sans coordination réfléchie et la participation effective de la population, amenez Bill Clinton ou laissez la bande de politiciens traditionnels, la plupart, à gage polluant les boulevards du pouvoir à la recherche de maigres débouchés, les milliards accordés à Haïti ne serviront a rien. Sinon qu’a alléger le sommeil de ce richissime entrepreneur de Wall Street qui au détour d’un dîner de charité se fera une bonne conscience se targuant d’avoir servi à quelque chose.
Nous avons passé des décennies tout en bas du piédestal de l’AUTRE en quête de quelques égards afin de nous construire. Il est temps maintenant d’apprendre à compter sur NOUS même. Haïti ne se développera pas avec l’aide externe. La communauté internationale à l’indignation sélective n’est elle pas sensible à la banalité de quotidien assoiffé de sang engloutissant nombre communautés à petit feu. Sachez-le ! Sinon, sur leurs chaînes TV, on verrait à côté d’un reportage sur #BringBackOurGirls un compte rendu sur les centaines d’Haïtiens coupeurs de canne qu’on estropie chaque année en République dominicaine, ces centaines de jeunes filles qu’on jette à l’aube de leur vie, sans éducation, à la merci des violeurs et marchands d’organes dans la domesticité, « restavek ».
Bref, messieurs, je vous fais une confidence. L’aide de la communauté internationale continuera d’aller en decrescendo. Commencez enfin par chercher en vous et pour vous la solution au marasme haïtien ou, au mieux, attendez que Dieu veuille bien nous gratifier d’un autre tremblement de terre.
Widlore Merancourt
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